Si vous recherchez « logement abordable » sur Google, vous obtenez plus de 1,5 million de résultats en moins d’une seconde. C’est ce que l’on appelle un sujet brûlant. L’Europe est confrontée à une conjoncture économique incertaine, à des hausses des taux d’intérêt et à une inflation élevée, ce qui rogne les revenus disponibles des ménages. Trouver un toit est une chose, avoir les moyens de se le payer en est une autre.

Définition du mot « abordable »

Qu’entend-on au juste par logement abordable ? Il n’existe pas de définition absolue et elle varie selon les pays, les villes, les États et les associations de logements. Malheureusement, les logements abordables sont souvent des biens anciens plus énergivores qui se trouvent souvent dans des endroits moins prisés et qui sont occupés par des locataires. Ils peuvent appartenir à des propriétaires privés ou être loués par des organismes publics à but non lucratif ou des autorités agréées. Les locataires de ces biens bénéficient souvent d’une aide au logement ou d’avantages destinés à leur permettre de payer le loyer.

Pour abrdn, un loyer peut être considéré comme abordable dans la mesure où son montant ne représente pas plus de 30 à 40 % du revenu disponible d’un ménage à la signature du bail, selon le pays ou la ville concernée. Une autre méthode, qui permet de prendre en compte les spécificités du marché local dans les prix des loyers, consiste à comparer les coûts d’emprunt typiques avec l’équivalent du loyer pour un appartement de même qualité.

Prise en compte de la qualité dans l’accessibilité

L’accessibilité d’un logement ne se résume pas au loyer. La difficulté pour appréhender le caractère abordable nécessite de prendre en compte le montant des frais d’exploitation d’un bien. Ce montant est pris en compte dans le ratio de frais total. La qualité tient compte également du montant des dépenses qu’un ménage doit consacrer au bien, notamment les coûts d’énergie, l’entretien et les autres frais. Les factures d’électricité ont augmenté en moyenne de 30 % en Europe depuis le début de l’année 2022, tandis que l’inflation atteint des taux à deux chiffres dans de nombreux pays. Les autres critères de qualité sont l’emplacement et les commodités, qui peuvent avoir une incidence sur les frais quotidiens engagés par les locataires qui doivent parcourir une distance plus grande pour se rendre à leur travail ou l’école.

L’efficacité est un facteur de plus en plus important, en raison de la hausse substantielle des coûts pour la plupart des locataires. C’est une lame à double tranchant pour les locataires qui occupent des biens d’une moindre qualité. Ils sont pénalisés par l’augmentation du coût de la vie au quotidien, mais leur budget de location s’en trouve également réduit. La situation est devenue intenable pour un grand nombre d’entre eux.

Selon nous, un loyer peut être considéré comme abordable dans la mesure où son montant ne représente pas plus de 30 à 40 % du revenu disponible d’un ménage à la signature du bail.

Encadrement des loyers

Compte tenu de la pénurie actuelle de logements abordables pour les ménages, les réglementations devraient se multiplier à terme. Les loyers sont encadrés en Europe depuis un certain temps, mais avec des différences locales.

Les contrats de bail pour les logements neufs prévoient généralement une indexation des prix des loyers sur l’inflation en Europe, une pratique courante qui a été introduite au Danemark, en Espagne, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Cela permet de faire en sorte que les loyers évoluent justement et en ligne avec les autres frais. En théorie, les loyers doivent suivre la hausse des revenus à long terme. La mesure s’est avérée efficace, car les salaires réels ont augmenté ces dernières années et le prix des loyers existants n’a pas augmenté, du moins jusqu’à aujourd’hui. La flambée des prix du carburant et de l’inflation a cassé cette relation, d’où l’adoption de nouvelles mesures de court terme destinées à protéger les ménages. Les salaires nominaux ont augmenté de 3,9 % dans la zone euro sur l’année jusqu’au troisième trimestre de 2022, mais dans les faits, ils ont baissé de 5,8 % en valeur réelle, ce qui représente la plus forte baisse annuelle des salaires réels depuis la création de l’euro. Face à une inflation qui s’installe dans la durée, il y a peu de chances que la situation s’améliore.

Le match entre l’offre et la demande est lancé

Nous pensons que la mise à disposition de logements neufs abordables et efficients sera l’un des principaux enjeux de l’année. La pénurie de logements abordables est importante en Europe et varie d’un pays à un autre et d’une région à une autre. En 2020, environ 10,5 % des ménages de la zone euro bénéficiaient de loyers modérés, et 23,9 % louaient aux prix du marché. La part des locataires qui devront bénéficier de loyers encadrés par les pouvoirs publics augmentera, en raison en partie de l’exclusion du marché de 60 millions de ménages européens ayant contracté un prêt hypothécaire du fait de la hausse des taux d’intérêt et la baisse des revenus.

Face à l’augmentation des prix des terrains, des matériaux de construction et de la main-d’œuvre, livrer des logements neufs abordables est de plus en plus difficile. Les coûts d’entrée élevés et la hausse des coûts de main-d’œuvre se traduisent par une augmentation des coûts de construction, qui pèsent sur les budgets des ménages. Ces coûts élevés ont pour effet de faire encore plus grimper les loyers. Si l’inflation montre des signes de ralentissement, l’économie ne devrait pas pour autant entrer dans une phase déflationniste dans un avenir proche, ce qui signifie que les coûts pourraient rester élevés.

Le déficit d’investissement

Selon l’Organisation pour la coopération et le développement économiques, le manque d’investissement dans la fourniture de logements abordables et sociaux atteint 57 milliards de dollars par an dans l’UE. Le marché locatif restera sous pression tant que la construction de logements n’atteindra pas les niveaux nécessaires pour atténuer les difficultés pour se loger. En Allemagne, le cabinet de conseil Pestel estime à 700 000 le nombre de logements manquants. Il faudrait trois ans de plus pour construire ces logements au rythme de construction actuel et ce, sans tenir compte des éventuels besoins supplémentaires au cours de la période.

Pour rendre les loyers plus abordables, la solution serait de construire des logements neufs de qualité et efficaces aux bons endroits. Le secteur privé ne pourra toutefois pas le faire seul. La hausse des coûts des terrains et des constructions a été telle qu’il n’est plus économiquement viable de fournir des logements à des loyers abordables. Il appartient aux services ministériels chargés de la politique en matière de logement d’envisager d’accorder des subventions pour l’achat des terrains ou des financements publics afin de soutenir l’investissement privé pour faire baisser les loyers. Le problème de l’accessibilité ne sera pas résolu tant que de nouvelles solutions originales ne seront pas trouvées pour construire suffisamment de logements peu énergivores afin de faire pencher la balance entre l’offre et la demande en faveur des locataires.