Points clés 

  • Les investissements dans l'immobilier résidentiel ont généré des rendements ajustés au risque attrayants par rapport aux secteurs de l'immobilier commercial.
  • L'ampleur de l'opportunité a atteint une masse critique permettant aux investisseurs d'accéder à des actifs adaptés à leur situation dans la plupart des villes européennes.
  • Les facteurs fondamentaux de rendement restent favorables, mais les investisseurs doivent se concentrer sur l'accessibilité financière et l'efficacité énergétique afin d'assurer la pérennité de leurs stratégies.

« Les atouts de ces placements sont de plus en plus évidents : les opportunités offertes ont atteint une masse critique ; les futurs moteurs de performance sont déjà à oeuvre ; et les fondamentaux du secteur sont différents de ceux de l’immobilier commercial.

Au cours des 22 dernières années, les investisseurs qui ont misé sur des actifs résidentiels européens ont été les grands gagnants. Ces actifs ont généré des rendements corrigés du risque plus élevés que n’importe quel autre secteur, comme le montrent les graphiques 1 et 2. Les facteurs fondamentaux qui justifient d’investir dans ces actifs résidentiels sont parfaitement établis, mais les objectifs sont en train de changer. 

Les fondamentaux de l’offre et de la demande dans les grandes villes européennes permettent toujours aux investisseurs de percevoir des cash-flows constants et de soutenir la valeur à long terme du secteur. L’Europe compte aujourd’hui 10 millions de locataires de plus qu’en 2011 [1], tandis que le nombre de logements neufs devrait chuter de 10 % au cours des deux prochaines années [2]. Dans le même temps, la population des villes européennes devrait croître en moyenne de 6 % d’ici 2035. Malgré les facteurs favorables, il existe des nuances importantes dont les investisseurs doivent tenir compte. Ils doivent limiter le risque lié à la performance de leurs investissements, car les pressions dans l’environnement urbain s’accentuent. Les conséquences des pressions exercées sur l’abordabilité du logement et la nécessité de décarboner les bâtiments sont les deux forces dominantes qui imposent une refonte des stratégies du secteur. Ces pressions se concentrent principalement sur les métropoles européennes.

MSCI European annual total returns by sector

Total returns and volatility across Europe by sector

Portée et ampleur

Tout d’abord, il est important de souligner que l’univers d’investissement des actifs résidentiels a connu une véritable expansion dans les villes européennes. Nous pensons que la taille de l’univers d’investissement européen a atteint une masse critique pour soutenir les stratégies résidentielles paneuropéennes. Et cela ne semble pas prêt de s’arrêter. Avec une valeur estimée à 1 500 milliards d’euros, les actifs résidentiels représentent 36 % du marché immobilier européen investissable [3]. Par « résidentiels », nous entendons l’ensemble des logements résidentiels locatifs privés, les logements étudiants et les résidences pour personnes âgées. D’autres types de biens résidentiels sont également pris en compte, notamment les appartements offrant des services, le micro-living ou appartements de poche et certains types de résidences médicalisées. La part des investissements dans les segments résidentiels dans les fonds non cotés a augmenté pour atteindre près de 15 %, soit une proportion supérieure à celle du secteur des commerces de détail [4].

The investible institutional living universe in Europe

« Les responsables politiques tentent, sans toutefois y parvenir pour la plupart, à remédier à la pénurie de logements ; les investisseurs doivent comprendre les implications d’une intervention accrue des pouvoirs publics.

Fondamentaux du secteur

Les fondamentaux qui sous-tendent la performance des investissements restent favorables, après la dure mise à l’épreuve qu’a représenté la pandémie de Covid-19. Les facteurs qui influent directement sur la demande – le solde migratoire, l’urbanisation, le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre d’étudiants étrangers et les choix en matière de style de vie – constituent des catalyseurs structurels qui font fi des cycles économiques. Le graphique 4 montre l’impact qu’auront les thématiques et les cycles économiques sur les différents secteurs de l’immobilier.

Flexing portfolios to capture thematic and cyclical trends

Les villes ont perdu quelques habitants pendant la pandémie de Covid-19, mais l’urbanisation reprend de l’ampleur depuis la levée des restrictions de déplacement imposées pendant la pandémie. Les villes européennes ont retrouvé une partie de leur attrait du fait des opportunités d’emploi et des atouts culturels qui attirent toutes les générations. Comme le montre le graphique 15, les villes devraient voir leur population augmenter bien plus rapidement que le nombre d’habitants à l’échelle des pays. Cette tendance met à rude épreuve les infrastructures urbaines et l’offre de logements. Les taux de vacance des biens résidentiels détenus en portefeuille sont inférieurs à 3 % dans de nombreuses villes, si l’on se réfère aux rapports publiés par les fonds immobiliers cotés et à nos propres données concernant nos portefeuilles. L’offre peine tout simplement à suivre le rythme de croissance de la demande de logements. Si ce déséquilibre favorise la hausse des cash-flows pour les investisseurs, il n’en crée pas moins des tensions concernant l’accessibilité des biens sur l’ensemble du spectre du marché immobilier.

Country- and city-level population growth, 2022 to 2035

L’abordabilité du marché de l’accession à la propriété constitue un autre facteur de tension important. L’accession à la propriété devient de plus en plus problématique, car les revenus ont du mal à suivre le rythme de la hausse des prix des biens et le durcissement des exigences s’agissant des apports. Depuis 1960, les prix médians des logements au Royaume-Uni ont augmenté quatre fois plus vite que les revenus des ménages [5]. En 2022, un ménage européen sur 10 consacrait plus de 40 % de ses revenus au logement [6]. Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs tels que des multiples de prix de l’immobilier plus élevés, le durcissement des conditions d’octroi des crédits par les banques, l’augmentation du droit de timbre et des taux d’emprunt. Selon les données d’Eurostat, les prix des logements dans la zone euro ont augmenté de 12 % de plus que les coûts de location entre 2015 et 2023.

L’offre est le revers de la médaille, et cela ne suffira pas à répondre à la demande dans tous les segments de l’habitat. En ce qui concerne les biens locatifs, le Royaume-Uni et l’Allemagne doivent livrer entre 300 000 et 500 000 logements neufs par an pour répondre à la demande de logements. Ces chiffres ne seront pas atteints de sitôt. Le volume de logements neufs construits est bien en deçà de ces objectifs en Europe et devrait baisser de 10 % en 2024 et 2025, par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Les indicateurs avancés sont également peu encourageants, l’indicateur IFO allemand pour les prévisions concernant la construction de logements étant à son plus bas niveau depuis 30 ans. 

 German IFO 6-month expectations for residential construction business

Tout en dégageant des cash-flows constants, le déficit de biens locatifs (qui prend désormais la forme d’une crise dans toute l’Europe) limite l’accès à des logements abordables, un phénomène qui devrait se traduire par un durcissement de la réglementation. Six pays ont décidé de plafonner les loyers pendant la pandémie afin de diminuer les contraintes pesant sur les finances des ménages pénalisés par la flambée des prix. La réglementation n’a pas toujours pour effet de diminuer le rendement des biens immobiliers d’habitation. La Suède possède par exemple l’un des marchés immobiliers les plus réglementés en Europe, ce qui ne l’a pas empêché d’afficher des rendements relatifs élevés par rapport à d’autres pays. La réglementation peut également se traduire par un allongement des durées des contrats de bail, une diminution des vacances locatives et des cash-flows plus réguliers. 

Les nouvelles réglementations devront être néanmoins mûrement réfléchies, appliquées d’une manière équitable et s’inscrire dans le cadre d’une politique du logement plus vaste qui favorise la construction de logements abordables. Si l’on ne s’attaque pas aux problèmes de pénurie à long terme, les tensions ne feront qu’augmenter. Berlin en est un parfait exemple. Les loyers des biens d’habitation dans cette ville ont presque triplé depuis 2010, malgré un cadre réglementaire bien documenté et incertain [7]. Dublin connaît le même sort, avec l’incapacité des autorités à résoudre la crise du logement. Les loyers du marché libre de Dublin ont doublé au cours de la même période, bien que l’indexation des loyers soit plafonnée à 2 % dans la plupart des quartiers de la ville. En fait, depuis que les plafonds ont été ramenés de 4 % à 2 %, la hausse des loyers sur le marché libre à Dublin s’est accélérée pour atteindre un pic de 9 % par an en 2022 [8].

Residential open-market rental growth by city

Pour les propriétaires, la performance est tributaire du taux de rotation des locataires, de la durée des vacances locatives et de la maîtrise des charges de propriété. Il est essentiel de comprendre la réglementation, les pressions exercées sur l’abordabilité et l’impact sur les cash-flows nets. Nous avons donc mis en place un cadre d’évaluation de l’abordabilité de manière à ce que les locataires de nos biens soient satisfaits et à éviter toute augmentation des charges. Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire notre dernier article.

« Selon différentes enquêtes, les stratégies en matière de logement figurent au rang des priorités des institutions. »

Investissement et performance

Les investissements dans l’immobilier résidentiel européen ont considérablement augmenté ces dernières années et représentent aujourd’hui plus de 20 % du total des investissements [9]. Nous pensons qu’il convergera avec la maturité du marché américain de l’investissement pour atteindre un tiers de l’ensemble des capitaux investis au cours des cinq prochaines années. Les capitaux transfrontaliers et les investisseurs institutionnels représentent une part de plus en plus importante du marché des placements actifs, éclipsant les fiducies de placement immobilier cotées. 

Selon les données de l’indice de MSCI, les rendements des biens à usage d’habitation en Europe se sont avérés plus résilients que ceux de l’immobilier commercial, les revenus locatifs atténuant une partie de l’impact négatif sur les rendements que nous avons observé depuis la baisse du marché en juin 2022. Le secteur permet de diversifier la composition des portefeuilles de placements immobiliers des investisseurs institutionnels, réduisant considérablement la volatilité globale du portefeuille et soutenant les rendements. Sans surprise, les enquêtes sur le moral montrent que les stratégies en matière de logement figurent au rang de priorité pour les investisseurs institutionnels. 

« Tous les actifs susceptibles de dégrader le score de durabilité des portefeuilles des investisseurs, tels que ceux attribués par le GRESB, ou qui ne respectent pas les normes minimales en matière d’efficacité énergétique, seront délaissés. »

Qualité et durabilité 

Les investisseurs doivent être conscients de ce changement de paradigme. Tous les actifs susceptibles de dégrader le score de durabilité des portefeuilles des investisseurs, tels que ceux attribués par le Global Real Estate Sustainability Benchmark (GRESB) ou qui ne respectent pas les normes minimales en matière d’efficacité énergétique, seront délaissés. La qualité et la durabilité ont un impact avéré et de plus en plus important sur la performance relative du secteur. Des données et des études réalisées en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne montrent comment ces pressions se matérialisent.

Premièrement, deux études réalisées en Allemagne et en Belgique montrent l’existence d’un lien étroit entre les scores d’efficacité énergétique et la valeur des biens immobiliers. La première est une étude réalisée par l’université de Duisbourg, qui a constaté un écart de prix de 51 % entre les biens résidentiels notés A et ceux notés H. La deuxième étude, réalisée par l’université KULeuven, a constaté un écart de 17 % entre les biens qui possèdent un score moyen et ceux qui émettent le moins de carbone. Face à la hausse des prix de l’énergie, il n’est pas surprenant que les biens les mois gourmands soient les plus chers. 

Résolument tourné vers l’avenir, le gouvernement fédéral allemand a voté une réglementation sur l’efficacité énergétique en 2023. Elle impose une augmentation des taxes carbone à la charge des propriétaires qui possèdent et exploitent des biens à usage d’habitation gourmands en énergie. Eu égard aux nouvelles lois et aux évolutions attendues des prix du carbone l’an prochain, les taxes carbone imposées aux propriétaires de biens résidentiels notés H en Allemagne pourraient représenter 5 % du total des revenus fonciers [10]. La part des taxes carbone à la charge des propriétaires est indiquée sur le graphique 7. 

Bien que faible en apparence, le prix du carbone sera déterminé par la loi de l’offre et de la demande à partir de 2025 via le Système Système d’échange de quotas d’émission [11], et le coût pour compenser les émissions pourrait augmenter fortement. Dans un secteur où les pertes de cash-flows sont une priorité, chaque centime compte. Cela devrait avoir une incidence de plus en plus forte sur la performance relative future. Les investisseurs ont tout intérêt à ne pas le négliger.

Share of landlords’ and tenants’ CO2 costs by energy type

Perspectives concernant la performance

Les rendements de l’immobilier résidentiel s’annoncent élevés pour tous les segments de ce marché. Les principaux éléments à prendre en compte sont répertoriés dans notre Living Houseview (graphique 8). Les investisseurs se soucient tout particulièrement des perspectives des stratégies pour le secteur des biens locatifs privés et des logements étudiants en 2024. Le secteur des résidences pour personnes âgées n’est pas aussi développé, mais il bénéfice de facteurs favorables à long terme, à commencer par le vieillissement de la population en Europe. L’Allemagne compte neuf de millions d’habitants de plus de 75 ans contre plus de six millions pour la France. Pour autant, les logements adaptés n’accueillent que 4 % des personnes appartenant à cette tranche d’âge, malgré le vieillissement attendu de la population de ces pays. Moins de 1 % de ces établissements appartiennent à des entreprises privées [12].

abrdn Living Houseview summary

À la suite de la correction actuelle des prix, les rendements du secteur devraient repartir à la hausse en 2024, ce qui devrait donner un rendement total annualisé sans effet de levier de 8,3 % sur cinq ans [13] (voir graphique 9). Malgré les disparités entre les différents marchés concernant l’encadrement des loyers et les niveaux de rentabilité, les écarts de performance entre les pays seront moins importants que la dispersion de la qualité et de la durabilité. Nous conseillons d’utiliser notre GlobalRiskNavigator afin de concilier les risques de marché avec les prévisions de rendement. Les portefeuilles doivent également rester axés sur les risques de marché lorsqu’il s’agira de comparer le profil des opportunités offertes par les différentes villes.

European residential total return forecasts by component

Stratégie d’investissement

En plus de notre cadre de prévision du risque de marché et du rendement total, notre stratégie d’investissement repose également sur une évaluation de ce que nous appelons les caractéristiques AAA pour chaque actif – priorité à l’abordabilité, aux commodités et à l’accessibilité – de nos investissements. Nous pensons que les actifs doivent présenter certaines qualités dans ces trois domaines pour attirer les résidents, mais aussi les investisseurs à long terme. Les actifs détenus qui ne répondent pas à ces critères sont améliorés ou vendus et les nouvelles acquisitions doivent y répondre pour figurer dans nos portefeuilles. 

abrdn’s AAA analysis and key asset-level considerations

« L’efficacité énergétique pèsera de plus en plus sur la rentabilité et la liquidité du marché, tandis que l’évolution des loyers doit être suivie de près compte tenu des pressions exercées sur l’accessibilité des logements. »

Conclusions

L’univers de l’investissement résidentiel est en pleine expansion dans lequel les investisseurs institutionnels sont toujours plus présents. Le secteur possède de plus en pluts d’atouts : les opportunités ont atteint une masse critique ; les facteurs qui influeront à l’avenir sur la performance sont déjà à oeuvre et les fondamentaux du secteur sont différents de ceux de l’immobilier commercial.
L’important pour les stratégies actuelles et futures est de s’adapter au mieux à l’évolution des pressions exercées sur le marché. Comme nous avons pu le constater sur les marchés des bureaux et des commerces au cours de la dernière décennie, l’attentisme face à la rupture du marché peut vous condamner à devenir obsolète, qu’il s’agisse aussi bien des actifs que de la stratégie d’investissement. Pour abrdn, l’efficacité énergétique pèsera de plus en plus sur la rentabilité et la liquidité du marché, tandis que les loyers devront être suivis de près compte tenu des pressions sur l’accessibilité des logements. Les stratégies vraiment efficaces seront celles qui sont capables d’identifier et de mesurer ces moteurs de la performance.

  1. Green Street
  2. Euroconstruct 
  3. Indice INREV ODCE T3 2023
  4. Estimations d’abrdn basées sur les données de JLL, Savills, Bonard 
  5. https://www.economicshelp.org/blog/5568/housing/uk-house-price-affordability/#xd_co_f=NmM2OGEzZTEtMzM1Ni00Yjg3LThkZDMtZGMyNTA1NDcwMGJl~
  6. https://www.oecd-forum.org/posts/tackling-europe-s-housing-crisis
  7. BNP Paribas Real Estate
  8. Green Street
  9. RCA
  10. Estimation d’abrdn, basée sur l’analyse de BMWSB https://www.bmwsb.bund.de/SharedDocs/kurzmeldungen/Webs/BMWSB/DE/2022/co2-preis.html
  11. https://www.cleanenergywire.org/factsheets/germanys-planned-carbon-pricing-system-transport-and-buildings
  12. https://www.bonard.com/media/france-and-germany-senior-living-market-overview
  13. Prévisions abrdn décembre 2023