Les principaux points à retenir

  • La hausse des revenus entraîne une croissance rapide de la consommation de produits haut de gamme
  • Les villes petites et moyennes souvent négligées représentent le futur moteur de croissance pour le marché des produits de consommation
  • Les entreprises qui ciblent les clients mal desservis pourraient tirer leur épingle du jeu, ce qui créera des opportunités d’investissement qui échappent à la plupart des investisseurs
La fête des célibataires en Chine, l’événement commercial de l’année, est passée. À l’heure où nous écrivons ces lignes, Alibaba et JD.com ont refusé de publier leurs résultats, alléguant un contexte difficile. Il va sans dire que la conjoncture a été pour le moins compliquée cette année, en raison des vagues de contaminations de Covid et des perturbations des chaînes d’approvisionnement.

Nous sommes toutefois des investisseurs de long terme. Notre objectif est comprendre l’évolution du secteur chinois des produits de consommation bien après la fin de la période des soldes. Vu sous cet angle, un mot nous vient immédiatement à l’esprit - aspiration. Les patrimoines et les revenus disponibles augmentent partout en Chine. Cet enrichissement de la population est à l’origine de la croissance de certains secteurs comme le voyage, l’agroalimentaire et les produits électroniques grand public. Le phénomène est encore plus évident dans les petites villes souvent négligées, des marchés en forte croissance avec une classe de consommateurs qui augmente rapidement.

Petites mais avec de grandes ambitions

Selon UBS, environ 70 % des 1,4 milliard de Chinois vivent dans des villes petites ou de niveau inférieur1, dont plus de 330 millions dans des villes du niveau 3 (voir graphique). À titre de comparaison, cela représente presque l’équivalent de la population des États-Unis.

Description des niveaux de ville
Niveau 1 Pékin, Shanghai, Guangzhou et Shenzhen
Niveau 2 Villes dont le PIB est d’au moins 750 milliards RMB/100 milliards de dollars, comme Xiamen.
Niveau 3 Villes dont le PIB est compris entre 250 et 750 milliards RMB/35 et 100 milliards de dollars. Cela comprend les capitales des provinces moins développées, telles qu’Urumqi et Lanzhou en Chine occidentale.
Niveau 4 et plus Villes dont le PIB est inférieur à 250 milliards RMB/35 milliards de dollars, comme Panjin, Sanya et Lijiang
Source NBS, CEIC, UBS October 2022

De nombreuses petites villes s’étendent. UBS a constaté que plus de 80 % des villes du niveau 3 avaient enregistré une augmentation du nombre de leurs habitants entre 2010 et 2020. Les travailleurs continuent d affluer en masse, à la faveur des mesures politiques prises par le gouvernement afin de promouvoir la mobilité. L’attrait de la grande métropole semble également sur le déclin. La pandémie de Covid est passée par là.

Par ailleurs, la Chine tout entière entend accélérer la modernisation de son économie. De nombreuses villes petites et moyennes réduisent par conséquent le poids de l’industrie dans leur économie. Les infrastructures et les systèmes de transport s’améliorent pour s’adapter à cette évolution, ce qui attire de nombreuses entreprises technologiques dans des secteurs comme la fabrication des batteries de véhicules électriques, le solaire et les semi-conducteurs.

Les consommateurs des villes des niveaux inférieurs sont de plus en plus nombreux à souhaiter et à exiger la même qualité de vie que les habitants des grandes villes

Dans le même temps, les revenus dans les villes du niveau 3 continuent d’augmenter. Les salaires restent certes inférieurs à ceux constatés dans les villes du premier niveau, comme Pékin et Shanghai. Pour autant, les loyers et les prix de l’immobilier sont plus faibles dans les petites villes, ce qui permet à ses habitants de disposer de davantage de liquidités à dépenser. Les consommateurs des villes plus petites sont toujours plus nombreux à souhaiter et à exiger la même qualité de vie que les habitants des métropoles. Pour les entreprises capables de satisfaire les exigences de ce marché, les profits s’annoncent juteux.

Qu’en est-il dans la pratique ?

S’il y a bien un nom à retenir, c’est celui de Proya, une entreprise qui met au point et commercialise des produits de beauté et d’hygiène personnelle. La cosmétique est un secteur concurrentiel, avec de nombreux acteurs internationaux qui cherchent à séduire les consommateurs chinois. Toutefois, la plupart des géants de ce secteur se bornent à cibler les villes du premier et du deuxième niveaux. Ils utilisent pour cela les canaux traditionnels, tels que les grandes enseignes et les boutiques de cosmétique. Leur taux de pénétration dans les villes petites est souvent faible, ce qui crée des opportunités pour des entreprises comme Proya. Elle cible les jeunes consommateurs des petites villes en proposant des produits au rapport qualité/prix défiant toute concurrence. Pour ce faire, elle utilise l’Internet et les points de vente physiques. La stratégie commerciale de Proya consiste à parier avant tout sur l’innovation et l’amélioration continue de ses produits, y compris en faisant appel à des leaders d’opinion pour en faire la promotion et en annonçant régulièrement des nouveautés en ligne.

Rien de surprenant que l’explosion du commerce en ligne ait été l’un des principaux moteurs de la croissance des ventes de Proya au cours de ces dernières années. La société a également mieux gérer les perturbations des chaînes d’approvisionnement liées aux confinements que la plupart de ses concurrents. Grâce à la bonne dynamique de la marque, à un mix produits étoffé et à des investissements constants dans la recherche-développement, les années à venir s’annoncent prometteuses pour Proya.

Viser les sommets

Tourism Group Duty Free (CTG) vend des produits détaxés et hors taxes tels que du vin, des parfums, des produits cosmétiques, des articles et des accessoires de mode, des montres, des aliments et bien plus. Les perturbations et les restrictions des déplacements dues à la Covid ont pénalisé l’entreprise, mais au point de lui faire perdre son statut de leader sur ce marché. Les mesures du gouvernement pour réorienter la consommation vers les marchés domestiques ont fait les affaires de CTG, ce qui, outre des pratiques d’achat fortes et l’emplacement stratégique de ses boutiques, place l’entreprise en situation de monopole sur de nombreux marchés, y compris dans les villes de niveau inférieur.

La société poursuit son expansion, avec notamment son nouveau complexe hors taxes de Haikou Port. La politique du gouvernement reste favorable. À moins d’une nouvelle vague importante de contaminations, CTG pourrait donc tirer son épingle du jeu lorsque les restrictions de déplacement seront à nouveau assouplies en 2023.

Tchin-tchin !

Citons également Kweichow Moutai. La société produit et commercialise Moutai (une version de baijiu, une liqueur chinoise distillée) et d’autres alcools forts. La société est l’une des plus réputées du segment premium. Comme le champagne, Moutai ne peut être produit que dans sa région d’origine, Moutai Town. En 1951, elle accède au statut de liqueur nationale. Depuis cette date, c’est la boisson par excellence des banquets de l’État (le président américain Nixon en était un grand fan) et des fêtes nationales. Moutai est désormais l’une des marques de spiritueux les plus rentables au monde. En 2021, Moutai représentait 26 % des profits réalisés par les entreprises du secteur des spiritueux dans le monde, avec moins de 1 % des parts en volume.2

La société continue de cibler son marché stratégique du baijiu ultra-haut de gamme. Elle vise toutefois à renforcer ses produits dans toutes les gammes de prix afin de répondre à la demande au bas de l’échelle des revenus. Par exemple, elle a récemment lancé une bouteille de Moutai de 100 ml à 399 RMB, une initiative innovante pour attirer de nouveaux clients. La direction prévoit d’optimiser le portefeuille de marques afin d’élargir son cœur de cible, y compris aux habitants des petites villes.

Petite mise en garde

La conjoncture économique actuelle est difficile. Si la croissance du PIB chinois a atteint 3,9 % au troisième trimestre, dépassant les prévisions en glissement annuel, les indicateurs globaux laissent à entendre que de nouvelles mesures de relance monétaires et budgétaires devront être prises. Pour autant, la demande des consommateurs devraient rester stable.

Les politiques publiques pourraient jouer un rôle. Pendant la pandémie, les responsables politiques ont cherché à stimuler la consommation en levant certaines restrictions, notamment sur les ventes de voitures et de biens immobiliers. Ils ont également accordé des réductions d’impôt et des aides en faveur des produits respectueux de l’environnement. Des mesures similaires pourraient être adoptées en 2023.

En conclusion...

Nous pensons que les perspectives à long terme pour le secteur de la consommation chinois restent encourageantes. De plus, les mesures du gouvernement destinées à moderniser l’économie du pays devraient finir par doper le pouvoir d’achat des ménages, notamment dans les petites villes. Les entreprises qui ciblent ces clients aisés pourraient bien en récolter les fruits.

Vous pouvez en savoir plus sur nos stratégies dédiées sur la Chineici.

  1. UBS, octobre 2022
  2. Kweichow Moutai, 2022