Si l’on s’en tient aux valorisations à plus long terme, la classe d’actifs semble toutefois abordable. Cela faisant des années que les rendements des obligations d’État n’avaient pas affiché des niveaux aussi intéressants, des niveaux qui pourraient encore baisser compte tenu des fragilités économiques importantes qui se sont accumulées depuis la fin de la Crise financière mondiale. Le gonflement des bilans des banques centrales a eu à l’époque pour principal effet de provoquer une ruée des investisseurs vers les classes d’actifs les plus risquées.
Un resserrement monétaire sans précédent
Nous estimons que cette fragilité se manifestera à nouveau sous une forme dramatique dans les prochains trimestres. Par exemple, aux États-Unis, la Réserve fédérale a donné le premier tour de vis monétaire en mars dernier, en relevant le taux des fonds fédéraux de 0,25 %, son plus bas niveau de l’histoire, pour les situer dans une fourchette de 4,5-4,75 % le 1er février. Selon les prévisions actuelles du marché, le taux devrait se situer aux alentours de 5 % en mai prochain.Taux des fonds fédéraux (limite supérieure)
À titre de comparaison, lors du dernier cycle de hausses, la Fed avait relevé le taux des fonds fédéraux de 2,25 % sur trois ans, ce qui témoigne du caractère inédit du cycle actuel, d’autant plus pour un système financier mondial qui s’est habitué à vivre longtemps sous un régime monétaire ultra-accomodant. Malgré les risques que cela comporte pour l’économie mondiale, nous pensons que la situation pourrait également offrir quelques bonnes opportunités d’investissement sur les marchés obligataires en 2023.
La position sur la duration dépend des perspectives de rendement
Le positionnement sur la duration (ou l’exposition aux variations des taux d’intérêt) dépend nécessairement des perspectives d’évolution des rendements. Nous pensons que le moment est on ne peut plus propice pour ajouter de la duration aux portefeuilles, car le pic des rendements est derrière nous et les rendements devraient rester orientés à la baisse tout au long de 2023.
Il faut toutefois reconnaître que les rendements obligataires ont déjà baissé nettement par rapport aux sommets atteints en octobre dernier. À court terme, l’inflation élevée, l’explosion de l’offre de titres et le climat morose constituent également des obstacles majeurs qui sont de nature à empêcher une surperformance durable des marchés obligataires. C’est la raison pour laquelle nous sommes plus réticents à construire actuellement une position aussi importante.
Il existe également une forte incertitude à court terme concernant les interventions des banques centrales, aux États-Unis et dans le reste du monde. Nous sommes également menacés par un resserrement quantitatif, qui pourrait avoir des répercussions plus importantes si les investisseurs privés n’étaient pas en mesure d’entrer en action afin de compenser la baisse des interventions des banques centrales sur les marchés des obligations d’État.
Le ralentissement à venir de la croissance profite aux obligations d’État
La hausse des émissions d’obligations d’État à travers le monde pourrait être significative si les prévisions actuelles sont considérées à la valeur faciale, impliquant une prime de risque plus importante de la part des investisseurs. Nous pensons toutefois que la hausse des taux d’intérêt et des rendements dans le monde entier plombe déjà fortement la croissance, ce qui devrait finir par plonger les pays développés dans une légère récession.
Face à l’effondrement de la croissance économique, nous devrions assister à une augmentation de la demande d’obligations d’État, car les investisseurs se rueront vers les valeurs dites refuges, suivie d’une hausse de la demande d’obligations d’État à courte échéance lorsque les banques centrales manifesteront leur intention de suspendre leur cycle de hausses des taux. Compte tenu de l’évolution attendue des taux directeurs, notre appétit pour les obligations d’État mondiales et la duration augmentera de façon constante en 2023.
Anticipations du marché concernant les taux d’intérêt
Source : Bloomberg, janvier 2023
Les conditions s’amélioreront à terme pour les actifs risqués
Nous pensons que la hausse des rendements et la réduction des interventions des banques centrales devraient favoriser un retour à la normale sur les marchés dans la durée.
Nous devrions toutefois voir apparaître quelques opportunités intéressantes parmi les actifs risqués au fil de l’année. Les spreads de crédit sont déjà supérieurs à leurs moyennes historiques, ce qui constitue une opportunité à long terme. Les valorisations pourraient toutefois davantage s’améliorer à mesure que le ralentissement se transformera en baisse sur les segments les plus risqués de l’univers obligataire, comme le haut rendement et les marchés émergents, ainsi que des écarts de rendement plus importants sur les obligations investment grade.
Nous pensons enfin que les chiffres continuent de montrer une contraction de l’activité économique, qui doit être entièrement reflétée dans les prévisions de bénéfices et, par extension, dans les valorisations des actions et des obligations. Les spreads de crédit devraient se creuser à un moment donné dans les mois à venir, les cours des actions devraient baisser et les obligations d’État devraient s’inscrire en hausse, car la corrélation positive entre les actifs risqués et le risque de variation des taux d’intérêt observée ces dernières années se transformera en une corrélation plus historiquement négative.
Cela étant dit, nous nous attendons pas à ce que les futures crises/récessions soient profondes. Nous nous attendons donc à de bonnes opportunités pour renforcer l’exposition aux obligations plus risquées de manière sélective, probablement dans la seconde partie de l’année.